Ilia…par la harpiste Claire LE FUR (extrait de son CD « COULEURS DU XXème siècle)
Biographie en forme d’interview imaginaire afin de mieux cerner la personnalité et le parcours musical atypique de Philippe MABBOUX
LE WEBMASTER : A QUEL MOMENT L‘INTÉRÊT POUR LA MUSIQUE VA-T-IL SE MANIFESTER ?
En fait, cela commence plutôt mal ! A 8 ans, mes parents me font donner des cours de piano par une dame qui venait de Marseille en bus. Je me souviens juste qu’elle me faisait faire des pages de clefs de sol et de notes et que l’on travaillait avec la célèbre Méthode Rose. Au bout d’un an, j’ai voulu arrêter !
Puis à 15 ans, à l’age où la plupart des ados veulent arrêter, j’ai voulu reprendre des cours de piano. Mes parents ont trouvé une professeur de piano sur la commune, et cela se passe, cette fois, très bien ! Mme Ronninguer, en fin de carrière, était rigoureuse, très classique mais très compétente et avec elle, je suis tombé amoureux de Clémenti en pleine période Rock’ n Roll !
A cette époque, j’aimais déjà retrouver d’oreille mes chansons préférées, déchiffrer des morceaux bien trop difficiles pour moi ou improviser de longs moments.
A mon entrée en classe de terminale, mon professeur de piano a une attitude remarquable : atteinte de rhumatisme articulaire, elle dit ne plus pouvoir me suivre et prend l’initiative de trouver elle-même un autre professeur de piano. Ce sera une jeune étudiante en Musicologie, 1er prix de piano du Conservatoire d’Aix-en-Provence. A partir de là, je travaille mon piano au moins autant que mon Bac, ce qui n’est pas sans inquiéter mes parents !
LE WEBMASTER : QUAND ET COMMENT S’EST IMPOSÉ LE CHOIX D’UNE CARRIÈRE MUSICALE ?
D’un coup, par une sorte de déclic, une prise de conscience irréversible, au printemps 1976, à Egletons, en Corrèze. Quelques semaines avant de passer mon Bac E, math et technique à Aix-en Provence, j’apprends que je ne suis pas admis en classe préparatoire pour l’Ecole d’Ingénieurs des Arts et Métiers. A ce moment là, je ne m’imaginais pas faire autre chose qu’ingénieur…Tout s’écroule ! Malgré toute ma mauvaise volonté, j’obtiens mon Bac qui m’embarrasse plus qu’autre chose ! Il est décidé que j’irai en Corrèze, à Egletons, pour y passer un Bac C, scientifique, dans d’excellentes conditions, afin de pouvoir aller ensuite en classe préparatoire.
Egletons bouleverse ma vie, mon destin. Interne, très loin de ma famille, de mes copains et copines, je trouve un merveilleux réconfort auprès du magnifique piano à queue de la salle de spectacle du Lycée que je peux utiliser à volonté.
A ce moment là, je réalise combien la musique est importante pour moi. Je travaille CHOPIN, je prépare mon premier concert et me mets à composer, le soir, en étude, une pièce de musique de chambre : CAFARD A EGLETONS (tout un programme !).
Je joue même dans mon premier groupe rock dont j’ai oublié le nom, sur un synthétiseur archaïque au son de l’autre monde ! Un jour, un élève ingénieur vient de Paris nous faire une conférence sur son école et son futur métier. Il est tellement « affreux » dans son discours arriviste et sans scrupule que le soir même j’informe mes parents que je renonce à être ingénieur et que je veux devenir musicien de bal !!
Mes parents gèrent remarquablement ce coup de théâtre en m’incitant à préparer un CAPES d’Education Musicale au Conservatoire et à l’Université de Lettres pour devenir professeur et avoir du temps pour « jouer dans les bals », activité que je n’ai jamais vraiment pratiquée !
LE WEBMASTER : COMMENT AVEZ-VOUS VÉCU VOS 5 ANNÉES DE FORMATION ?
Au début…c’est très très dur ! A la Fac, je me retrouve en compétition avec des Premiers Prix de Conservatoire, moi qui n’y ai jamais mis les pieds à l’époque. Mais j’en veux énormément, je travaille comme un fou pour rattraper le retard, le jour, la nuit, dans le bus, n’importe où ! J’accumule des connaissances musicales dont je ne soupçonnais même pas l’existence ! J’aimais déjà la musique de manière intuitive, mais plus je pénètre ses secrets, plus je l’apprécie.
Pour le Conservatoire, c’est encore autre chose ! Entrer dans un Conservatoire à 18 ans, quand on a un vécu plutôt Rock, ce n’est pas très banal à l’époque…En plus, je suis bien trop vieux pour entrer en tant que pianiste… Par chance, le professeur d’Orgue, Jean-COSTA, s’intéresse à mon cas et me prend dans sa classe… pour voir ! Je vais travailler d’arrache pied sur l’orgue HAMMOND familial pour ne pas le décevoir.
A côté des cours, ces années sont marquées par la découverte de la pratique musicale collective avec des « bœufs » mémorables sur des thèmes connus ou originaux que j’arrange pour les « copains » du moments…
LE WEBMASTER : D’OÙ VIENT CETTE PASSION POUR LA MUSIQUE ÉLECTRONIQUE ?
Il y a toujours eu dans la maison familiale, à côté du piano, un orgue électronique. Mon père était passionné et nous avons plusieurs fois changé d’instrument, au fils des progrès de la technologie, jusqu’à avoir un superbe orgue HAMMOND. D’ailleurs nous étions des grands fans de Rhoda SCOTT qui était, avec Claude BOLLING, l’une des deux idoles de ma jeunesse.
Et puis un jour, en revenant en stop des fameux « 3 jours » pour le Service Militaire, une vieille 4L vétuste s’arrête avec un hyppie au volant et une étrange musique dans son autoradio… C’était OXYGENE de Jean-Michel JARRE. Franchement, le choc musical de ma vie, je crois…tout y était si nouveau pour moi.
Comme chez beaucoup de musiciens de ma génération, au début, la musique électronique a éclipsé toutes les autres. Puis après, à la fin des années 80, elle est devenue un fantastique outil de travail plus qu’une fin en soit. Personnellement, je sais ce que je lui dois ! Sans l’électronique, sans la M.A.O. (Musique Assistée par Ordinateur), je n’aurais jamais pu composer, en 2000, une œuvre d’1 heure 30 (Il y a 2000 ans, Jésus de Nazareth…) pour chœur, orchestre symphonique, solistes, récitant, réaliser tout le matériel d’orchestre et les CD de travail personnalisés en 10 mois seulement !
LE WEBMASTER : COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS VOTRE PASSION POUR L’IMPROVISATION ?
Plus qu’une passion, je dirais que l’improvisation est un mode d’expression naturel pour moi. Non pas qu’elle soit innée mais du fait que je la pratique et la travaille depuis si longtemps. Quand j’en suis privé pendant plusieurs jours, un véritable manque m’envahit et je suis prêt à tout pour trouver un instrument ! De très nombreux morceaux sont nés d’improvisations que j’ai fixées sur le papier sur l’instant ou enregistrées et travaillées plus tard. Consacrer un récital entier à des improvisations est toujours un défi personnel énorme qui me procure plus de plaisir (mais autant de stress !) qu’un récital de morceaux écrits.
LE WEBMASTER : COMMENT DÉFINIREZ VOUS VOTRE STYLE MUSICAL ?
Ce n’est vraiment pas facile pour moi ! Je me sens tellement libre, musicalement parlant, que j’ai pu toucher, en 40 ans, à des styles et des instruments sans rapport aucun les uns avec les autres : la harpe celtique, le jazz, la musique symphonique, la musique sacrée, la musique de film, l’électro, l’orchestre d’harmonie, la flûte à bec, le rock…
Mon plus grand plaisir, depuis quelques années, est de mélanger tout cela, parfois très discrètement, au sein de la même œuvre. Par exemple, au milieu de mon TRIPTYQUE pour Trompette et Orgue, il y a une citation d’un des tubes du groupe DEEP PURPLE !!
Plus que d’être étiqueté dans telle ou telle catégorie, je préfère que ma musique soit identifiée comme telle et pas comme du sous-x ou du sous-y. C’est en tout cas une de mes motivations!